Le gamin au vélo (vu le 1er juin 2011)
Cyril (Thomas Doret), bientôt 12 ans, n'a qu'une idée en tête : retrouver son père, Guy (Jérémy Renier), qui l'a placé dans un foyer pour enfants avant de disparaître. Parti à sa recherche, il rencontre Samantha (Cécile de France), qui tient un salon de coiffure. Emu par sa souffrance, la jeune femme accepte de l'accueillir chez elle pendant les week-ends
Un gamin en t-shirt rouge fuit à travers un parc, tente de faire le mur. Récupéré in extremis par deux éducateurs, il se débat, écartelé entre les deux hommes. Pas de gros plan, pas une larme. Pourtant, lémotion est là. Dès la première scène. Mais une émotion brute, sans sentimentalisme, qui nest pas sans évoquer, pour moi, le très beau Winters bone. De fait, je trouve une vraie filiation entre Cyril et Ree, lhéroïne du film de Debra Granik : même blessures, même fragilité, mais aussi même volonté farouche, même obsession de retrouver un père absent (leur motivation sont certes différentes), même environnement social Je vois également des similitudes entre le style épuré des Dardenne et celui de la réalisatrice américaine. On nest pas dans le démonstratif. Ici, comme là, pas deffusion excessive, pas de dialogues emphatiques, pas de musique intempestive, juste quelques notes de Beethoven pour souligner les moments les plus douloureux du récit. La souffrance est suggérée (à noter la magnifique séquence où, plutôt que de filmer Cyril en pleurs, les frères belges le montrent jouant avec un robinet, dans le salon de coiffure de Samantha). Cest ce qui fait la grande force de cette uvre, qui nest par ailleurs pas dénuée dun certain suspense, les auteurs multipliant les fausses pistes.
Techniquement, pas desbroufe non plus, mais quelques plans splendides. Le travelling sur Cyril filant sur son vélo, avec seulement le bruit du vent et de la chaîne, procure un immense sentiment de liberté. On pourrait fermer les yeux et se laisser porter par les sons. Linterprétation est également parfaite. Le jeune Thomas Doret donne énormément dénergie à son personnage. Tout comme Cécile de France, dont je ne suis pourtant pas un fervent admirateur. Jérémie Renier, dans un rôle ingrat, offre lui aussi une belle prestation.
Bien sûr, on pourra toujours relever que les Dardenne se contente de recycler, avec Le gamin au vélo, une recette qui leur a permis de remporter depuis 1999 deux Palmes dor et un prix du scénario à Cannes (et, donc, cette année, un Grand prix). Ce serait toutefois leur adresser une critique injuste. Après tout, on ne reproche pas à Monet davoir représenté dans une trentaine de tableaux la cathédrale de Rouen. En outre, dun strict point de vue formel, ce film tranche sensiblement avec les précédentes réalisations des deux frères : lumière dété inhabituelle, ponctuation musicales discrète Bref, un très beau film, dont le seul défaut est doffrir quelques représentations sociales un peu faciles (la cité décrite comme un repère de petits caïds, par exemple).