La rafle (vu le 12 mars 2010)

Publié le par BERENICE21

Gaumont Distribution

Un film difficile à critiquer, tant la question de la réussite artistique paraît insignifiante au regard de ce qu'il évoque. Alors, c'est vrai que la réalisation n'est pas très audacieuse et relève souvent davantage d'une production télévisuelle que d'une oeuvre cinématographique (on est loin, en effet, de l'esthétisme de La liste de Schindler ou du Pianiste, pour s'en tenir aux seules fictions) . C'est vrai aussi que la dramatisation parfois très appuyée, la recherche permanente du pathétique, nuisent au propos. C'est vrai également que le souci de la réalisatrice, Roselyne Bosch, de confronter le monde des victimes et des puissants, s'il est intéressant dans les intentions, est maladroit dans la réalisation. Et alors qu'elle a eu recours à des documents d'archives dans le générique de début, on se demande pourquoi elle n'a pas utilisé des extraits des films d'Eva Braun pour évoquer la vie d'Hitler et de son entourage au Berghoff. Ces images existent et sont disponibles même en DVD (Hitler intime). Cela aurait évité de faire des dignitaires nazis des sortes de pantins caricaturaux, effet qui dessert la volonté de Roselyne Bosch de coller au plus près de la vérité historique. C'est vrai enfin que l'interprétation n'est pas toujours juste : Gad Elmaleh, malgré ses efforts, a bien du mal à être crédible ; Jean Reno, quant à lui, à l'air de s'ennuyer (mais c'est une constante actuellement dans ses films)... Les femmes s'en sortent mieux (Mélanie Laurent et, surtout, Raphaëlle Agogué).

Raphaëlle Agogué. Bruno Calvo - GaumontRaphaëlle Agogué. Bruno Calvo - Gaumont

Néanmoins, malgré ses défauts, La rafle fait oeuvre de mémoire, et c'est déjà beaucoup. Je dirai même que c'est essentiel, si l'on considère certains propos à la limite de l'antisémitisme tenus sur quelques forums. Ainsi peut-on lire sur le site d'AlloCiné cette critique d'un spectateur : Un énième film sur la pleurniche sioniste destiné à occulter le génocide palestinien... Un autre écrit, en parlant de l'un des rares enfants à avoir pu s'évader du camp de Beaune-la-Rolande : C'est le parfait petit aryen blondinet qui est mis en avant". Pourquoi "petit aryen blondinet ? Un aryen est-il forcément blond (si l'on songe aux principaux dirigeants du IIIème Reich, la réponse est évidemment négative...) ? Est-ce si improbable qu'un enfant juif originaire d'Europe de l'Est soit blond ? Les juifs doivent-ils avoir un type physique particulier ? Ce genre de propos aux forts relents révisionnistes ou racistes montrent à quel point la démarche de Roselyne Bosch est fondamentale et mérite le respect. Et cela n'a rien à voir avec le cinéma. C'est une question politique, car ce film, par-delà ses maladresses formelles, a le mérite non seulement de donner lieu à des débats sur le sujet proprement dit (la Shoah, la responsabilité des autorités françaises de l'époque dans la déportation, la solidarité de ceux qui ont sauvé des juifs au péril de leur vie), mais encore d'inviter à réfléchir sur l'actualité et le sort que l'on réserve encore parfois de nos jours à ceux qui ont cherché un asile dans notre pays (que l'on se rappelle des Afghans sans papier expulsés récemment vers leur pays natal par Eric Besson). C'est ce qu'Edwy Plenel, ancien directeur de la rédaction du journal Le Monde, appelle l'histoire vivante, c'est-à-dire une mémoire qui éclaire le présent.

Mélanie Laurent. Bruno Calvo - GaumontSylvie Testud. Bruno Calvo - Gaumont



Publié dans Mes critiques - 2010

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S
SeotonsAh je suis tombé par hasard sur ce blog, il est vraiment sympa !
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