Ajami (vu le 9 avril 2010)
Ajami (du nom dun quartier de Jaffa) est un film choc. Il se distingue dabord par la collaboration inédite entre deux réalisateurs que tout -du moins dans nos esprits doccidentaux conditionnés par une information souvent simpliste- devrait séparer : si tous deux sont Israéliens, lun est Juif (Yaron Shani), lautre est dorigine palestinienne (Scandar Copti).
Il saisit ensuite pas les thèmes quil aborde, thèmes certes classiques dès qu'est évoqué le contexte israélo-palestinien -fracture religieuse, affrontements claniques, rapport de soumission entre femmes et hommes
- mais illustrés ici sous un angle renouvelé (le film policier) et sans jamais tombé dans le manichéisme.
On ne sort pas non plus indemne de cette peinture presque documentaire de la banalité et de labsurdité de la violence qui règne dans cette région : ainsi, cette discussion entre voisins au sujet dun troupeau de moutons trop bruyant, commencée sur un ton aimable, et qui dégénère de la plus dramatique des manières.
Sur la forme, Ajami est également un tour de force. En premier lieu grâce à la sophistication de son scénario, qui entrecroise différents destins (Omar, Israélien dorigine palestinienne, poursuivit par la vengeance dune puissante tribu bédouine dont lun des membres a été blessé par loncle du jeune homme ; Malek, un adolescent de Cisjordanie, désireux de trouver largent qui permettra à sa mère, gravement malade, dêtre opérée ; Dando, un inspecteur de police juif, obsédé par lidée de châtier ceux qui ont tué son jeune frère), aux parcours apparemment séparés, mais qui finalement se rejoindront dans un final tragique et imprévisible. Cette touche de film choral rappelle évidemment les scénarios de Guillermo Arriaga, lauteur, entre autres, de 21 grammes et de Babel.
La virtuosité de la mise scène concourt également à la réussite dAjami. La caméra, proche des comédiens (presque tous sont amateurs), capte au plus près de leur épiderme leurs émotions, leur fragilité, leur brutalité, leurs excès
Je conclurai la critique de ce film (lun de mes coup de cur de cette année, avec Tétro), en citant le journal Le Monde : « Lorsquun film de genre parvient à intégrer aussi intelligemment dans ses gènes le contexte sociopolitique qui le sous-tend, cette uvre a alors toutes chances dêtre exceptionnelle ». Je ne peux pas mieux dire