Nowhere boy (vu le 10 décembre 2010)
Liverpool, au milieu des années 1950. John Lennon (Aaron Johnson), alors âgé dune quinzaine dannées, vit chez sa tante et son oncle, Mimi (Kristin Scott Thomas) et George Smith (David Threlfall). La mort brutale de ce dernier, avec qui il entretenait une relation privilégiée, provoque en lui une crise profonde qui l'amène à se rapprocher de sa mère, Julia (Anne-Marie Duff), la sur de Mimi. Julia devient bientôt une alliée dans la quête dindépendance et de rébellion de ladolescent. Elle joue par ailleurs un rôle important dans son éducation musicale, lui apprenant le banjo et lui offrant sa première guitare. Dans le même temps, Lennon découvre le rock 'n' roll, et notamment Elvis Presley. Lui vient alors lidée de former un groupe avec son ami Eric Griffith (Jack McElhone), The Quarrymen, qui se produit dans de petites fêtes paroissiales. Cest à loccasion de lune delles que lui est présenté Paul McCartney (Thomas Brodie-Sangster), qui limpressionne en lui jouant les accords de la chanson Twenty flight rock dEddie Cochran
Nowhere boy est le récit de la construction chaotique dun adolescent à lenvironnement familial complexe. Pourquoi pas ! Le problème vient de ce que le jeune homme en question sappelle John Lennon et que la réalisatrice, Sam Taylor-Wood, fait de ses blessures denfance et de son conflit dipien le terreau de son futur génie musical. En dautres termes, son sentiment dabandon et ses pulsions incestueuses le rendront créatif. Cest de la psychologie un peu facile, qui ne convainc guère. Car la jeunesse de Lennon ne se distingue finalement pas de celle vécue par nombre de garçons de son époque, qui connurent eux aussi, du fait de la guerre, labsence -définitive ou non- dau moins un de leurs parents. Tous nont pas pour autant développé un don particulier.
Nowhere boy souffre également de lun des travers les plus fréquents des biographes, qui considèrent souvent quune uvre exceptionnelle est forcément le reflet dune existence à chaque instant singulière. Tel nest évidemment pas (toujours) le cas. Les grands créateurs ont parfois une vie assez banal, voire ennuyeuse. Le biopic que David Fincher consacre à Mark Zuckerberg est à cet égard assez édifiant. Tous les aspects de la vie dun génie ne sont donc pas forcément dignes dintérêt. Et cest le cas de ladolescence du fondateur des Beatles.
Autre inconvénient de se focaliser sur cette période de la vie de Lennon, cest que lamateur de la musique des Fab four nentendra pratiquement aucune de leurs compositions, doù une relative frustration.
Reste néanmoins la qualité de la reconstitution (un brin académique tout de même) et de linterprétation. Aaron Johnson -lune des révélations de lannée (Kick-Ass, Chatroom) avec Chloe Moretz et Juno Temple- est convaincant, même sil ne ressemble pas spécialement à son modèle. Kristin Scott Thomas est comme toujours parfaite. Cest cependant Anne-Marie Duff, très émouvante en mère impuissante à remplir ses devoirs, qui retient le plus lattention. D'ailleurs, c'est dans lévocation de sa relation ambigüe avec son fils que le film savère le plus juste. Et lon peut sinterroger si Sam Taylor-Wood, qui est fiancée à Aaron Johnson, de 23 ans son cadet, na pas mis un peu delle-même dans ce personnage. Mais jarrête là, car cest à mon tour de faire de la psychologie de comptoir
Un film pas déplaisant, donc, toutefois moins inspiré que le Gainsbourg, vie héroïque de Joann Sfar.