True grit (vu le 24 février 2011)
En 1873, dans le comté de Yell. Mattie Ross (Hailee Steinfeld), une jeune fille de 14 ans, est déterminée à mener devant la justice lassassin de son père, Tom Chaney (Josh Brolin). Mais il lui faut pour cela le rejoindre en territoire Choctaw, où il sest réfugié avec la bande de Lucky Ned Pepper (Barry Pepper). Sur les conseils du juge Parker (Jake Walker), elle fait appelle au marshall Rooster Cogburn (Jeff Bridges) pour laider à le retrouver. Après plusieurs refus, celui-ci se laisse tout de même emporté par sa force de conviction. Ils se lancent alors à la poursuite du criminel, bientôt rejoints par un Texas ranger, LaBoeuf (Matt Damon), qui recherche lui aussi Chaney pour le meurtre dun sénateur...
Les frères Coen redonnent ici ses lettres de noblesse à un genre un peu moribond, en dépit de quelques brefs sursauts ces dernières années, notamment Lassassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford. Car True grit est brillamment écrit et servi par des dialogues magistraux (comme souvent avec le tandem). Impossible, évidemment, de citer toutes les répliques. On retiendra surtout les insolences de Mattie, particulièrement savoureuses (il ny a pas de clown de rodéo dans le comté de Yell, lance-t-elle à LaBoeuf en découvrant le Texas ranger à son réveil, assis dans sa chambre).
Sur le plan esthétique, True grit est également parfaitement maîtrisé. La photographie signée Roger Deakins, un fidèle des deux cinéastes (il a officié sur Barton Fink, Le grand saut, Fargo, The big Lebowski, OBrother, The barber, Intolérable cruauté, Ladykillers, No country for old men, A serious man), est une pure merveille, dans la lignée du film dAndrew Dominik auquel il a également collaboré.
Linterprétation est aussi éminemment réjouissante. Jeff Bridges est une nouvelle fois parfait et me fait relativiser la performance finalement un peu trop scolaire de Colin Firth dans Le discours dun roi (ce crime de lèse-majesté ne devrait pas manquer de faire pousser des cris d'orfraie à certains !). Matt Damon, méconnaissable, joue avec beaucoup dhumour avec son image. Mais la révélation du film est bien la jeune Hailee Steinfeld, absolument bluffante, et qui mérite largement lOscar du meilleur second rôle féminin, pour lequel elle est nommée.
Mais True grit est bien plus quun simple film de genre appliqué. Centré sur le personnage de Mattie, il est surtout un conte initiatique, une sorte dAlice au pays des merveilles à lépoque de lOuest sauvage, avec son bestiaire fabuleux (le cheval monté par un ours), son univers absurde (le pendu accroché à lune des plus hautes branches dun arbre, dont le cadavre devient l'objet dun troc surréaliste), ses paysages sauvages plongés dans une lumière irréelle, presque fantastique, et la chute finale de ladolescente dans un puits sans fond, comme lhéroïne de Burton.
Je parle de conte, mais je pourrais tout autant qualifier ce film de parabole biblique (la morsure de Mattie par un serpent, la chevauchée nocturne -splendide- de Cogburn sur fond de ciel étoilé). Une orientation que semble confirmer la musique du générique de fin, le cantique Leaning on the everlasting arms, tiré de La nuit du chasseur, de Charles Laughton. Le parallèle entre les deux films est dailleurs une évidence, puisque tous les deux sont construits sur des dichotomies (le bien-le mal, le jour-la nuit ).
Même si les frères Coen s'adressent ici à un public plus large qu'avec A serious man (il suffit pour s'en convaincre de regarder les chiffres du box-office), ils n'en sacrifient pas pour autant leurs ambitions, en sorte que True grit devrait occuper une place importante dans leur filmographie. Bref, un film qui a tout pour devenir un classique.